L'image écho peut être différente pour chaque rivière. La géologie jouerait un rôle important dans les images projetées sous la surface. L'harmonie des couleurs du miroir serait directement liée à la composition des roches. Une rivière calcaire présente une image écho différente des rivières granitiques ou schisteuses. J'ai plongé dans deux rivières rapides des Alpes Maritimes, le Cians dont le fond est tapissé de schiste rouge et le Loup dont le lit est calcaire. Je me suis rendu compte sur les photos numériques que les images échos du fond changeaient la couleur d'une imitation de sedge. Un sedge brun à la même heure solaire tire sur le roux sous la surface du Cians et se présente noir sous la surface du Loup. Un insecte, une artificielle pourraient apparaître de deux couleurs différentes selon l'image écho du lit. Les mouches dérivants sur une image écho sont éclairées par des longueurs d'onde filtrées par la surface, par la colonne d'eau et réfléchit par le fond. Leur couleur et leur aspect deviennent géomorphologiquement dépendants. De plus, le reflet d'une artificielle sous le miroir se mélange aux harmonies des images échos du fond et des projections de la rive sous l'eau. Si cette mouche est entourée de bulles, tout se complique. L'air emprisonné dans les bulles diffracte encore différemment. La mouche semble être engluée des reflets de l'image de la berge et se promène avec un halo de reflet d'arbres, de structures qui composent cette berge. Ainsi, une artificielle grise ne sort pas forcément grise et nette sous le miroir animé par ces jeux de lumière. Elle n'est pas obligatoirement vu grise par la truite.

Pierre Miramont cite, dans son ouvrage « L'éphémère et la truite », l'exemple des anciens qui conseillent d'utiliser une artificielle au corps gris pendant des éclosions d'olive. Pierre dit que le gris moyen est obtenu par mélange à part égale de rouge, de vert et de bleu. Si on enlève le bleu, le corps de la mouche apparaît olive. Le ciel est bleu et la truite qui ne se méfie pas des pattes bleues des hérons ou du martin pêcheur bleu, semblerait mal percevoir cette longueur d'onde ce qui est scientifiquement prouvé. Idem pour le bleu des cieux qui serait donc mal détecté en surface par les poissons. Sans repère, sans image écho du fond, les truites devant l'inconnu et le non détectable restent planquées dans leur cachette. Hypothèse, hypothèse, qui cependant confirme l'absence d'activité pendant les journées de grand ciel bleu sur certains cours d'eau et leur dynamisme lorsque le bleu pâlit le matin et fonce en soirée. On peut également émettre l'hypothèse qu'un ciel gris est vu olive par la truite puisque le bleu est soustrait de la vision de la truite. Olive, comme le sont souvent les fonds sédimentaires ou végétaux. On s'égare !

Empiriquement, les hommes ont, par expérience de terrain, réalisés avec des matériaux différents, qui émettent des couleurs, des chaleurs différentes, plusieurs imitations d'une même espèce d'insecte aquatique. Ils se sont inconsciemment adaptés aux images échos. De nombreuses collections de mouches sont ainsi nées de contextes différents eux-mêmes définis par des images écho spécifiques. La truite qui distingue parfaitement de nombreuses couleurs et tons peut alors accepter ou refuser une imitation selon son image écho. C'est une hypothèse. On peut aller plus loin en pensant que l'image écho du fond sous le miroir peut modifier la couleur d'une artificielle en fonction de l'inclinaison des rayons solaires pendant la journée, de la diffraction des rayons lumineux par une surface lisse ou plissées, de la qualité des mouvements d'eau induit par une accélération du courant ou des risées et de l'image mélangée des berges. Cette dernière image joue un rôle très important dans l'harmonie visuelle sous le miroir car elle se mélange aux images échos du fond. Les poissons sont alors conditionnés sur ces harmonies qui deviennent des repères spatio temporels dont les variantes peuvent indiquer des moments de production de nourriture.

Une truite vit à différentes hauteurs de la colonne d'eau. Un poisson en surface vous verra arriver de loin. Il doit être approché à genoux avec des lancers horizontaux. Les nympheurs à vue le savent très bien. Une truite distinguera bien un pêcheur d'un arbre malgré les deux verticalités des images. Elle verra parfaitement les mouvements des cuissardes sur le lit et les nuages sédimentaires engendrés. Au fond, elle se laissera plus facilement tromper car l'image latérale sera de plus en plus déformée, écrasée, aplatit, absorbée par la colonne d'eau. Les photos subaquatiques le démontrent. Même avec une vision de plus de 300° la truite percevra difficilement ces images. En profondeur, elle sera aveugle dans les angles morts et sa vision sera de plus en plus diminuée avec l'absorption de la lumière par la colonne d'eau. Nous apparaissons comme des monstres géants agitant des bâtons de douleur. La truite sondant, nos images se mélangent aux échos lumineux du fond. Nous ne disparaissons pas complètement mais nous sommes perçus différemment sous le miroir avec toujours une connotation danger. Le soir, nous avons toutes nos chances car l'inclinaison des rayons lumineux est très forte. Votre image projetée rebondira au-dessus de la surface et vous devenez un moucheur invisible.

 

 
   
 
Miroir