Si la technique est simple, la tactique de pêche reste sensible et délicate. La discrétion de l'approche est essentielle. On pêche à un mètre, deux, maximum d'un poisson sauvage en alerte permanente, le tout dans un environnement encombré. Le couloir arrière reste très limité pour les longs lancers. Le roulé sur l'eau est de rigueur ou mieux encore avec des 4.2 pieds souples, le roulé aérien permet des posés extraordinaires sur courte distance. Roulé, lancer droit ou arbalète, peu importe, seules les discrétions et les précisions de poser sont primordiales. Ici on pêche des poissons sauvages et craintifs. Le moindre craquement de bois et c'est l'affolement dans le gour. En général, on emmène une canne courte pour deux moucheurs . Plusieurs pêcheurs qui approchent trop près de l'eau affolent les truites et les barbeaux. De toute manière, on ne voit pas ces truites rapides noires sur fond de tanin en lumière tamisée mais elles vous entendent arriver de très loin ! Le cœur bat à l'approche des cascadettes en aval des anciennes prises d'eau car on sait qu'un beau poisson peut rester coincer à cet endroit. J'ai loupé des truites dans des gours de moins d'un mètre en couverture aérienne mais très profonds sous les prises d'eau. Les truites se réfugient dans des mini- grottes sous les cascades et survivent ainsi aux étiages sévères.

             
 

Les truites de vallon ont quelquefois des comportements de chasse adaptés à l'écosystème forestier. La lumière pénètre peu les couches de feuilles et le dynamisme des chaînes alimentaire s'en trouve ralentit en été par une photosynthèse limitée. Les algues encroûtées poussent difficilement, donc peu de brouteur, peu de larve d'insecte aquatique, bref une pauvreté des productions primaires et secondaires de la rivière. Par contre, les berges sont fraîches, humides et elles accueillent les insectes terrestres comme les nombreux scarabées, les grillons, les fourmis, les abeilles et les guêpes etc. Il n'est pas rare alors de voir les petites truites chasser le long des berges ces terrestres et les happer hors de l'eau à la manière des orques qui engament les phoques sur la berge. C'est assez incroyable et c'est bien le seul endroit où j'ai vu cette technique de chasse. Adaptons notre tactique de pêche aux habitudes locales.

             
 

La mouche est projetée tant bien que mal sur un schiste, une branche ou une touffe d'herbe qui bordent l'eau. Puis en levant légèrement la canne ou en tirant doucement la soie, l'artificielle tombe naturellement au raz de l'eau ou carrément dans l'eau. Le floc du contact leurre eau attire les barbeaux ou les truites qui se précipitent pour happer la proie. Si rien ne se passe, alors il faut faire draguer la mouche sur quelques centimètres pour exciter la convoitise des turgans endormis au fond ou des truites hésitantes car effrayées.

             

Ferré, le turgan ou la truite noire, opposent des défenses vigoureuses. Les deux poissons possèdent des réflexes identiques. Ils sondent immédiatement pour rejoindre leur zone de sécurité dans un trou profond des berges creuses ou sous des branches immergées. Il faut les brider immédiatement au risque de rompre son bas de ligne et de perdre sa mouche. Les poissons affolés sautent hors de l'eau et même sur les berges pour retrouver leur liberté. Un barbeau ferré n'est pas gagné car il est malin et connaît parfaitement son environnement. Sa ruse et sa défense en font un petit poisson de combat. J'imagine la force que posséderait un turgan de la taille d'un brochet ou d'un gros chevesne.

Les turgans vivent en groupe. Un poisson ferré affole les autres surtout si le combat est long. Pour attraper les autres, il faut attendre quelques minutes que tout revienne en ordre dans le gour. Si les poissons se méfient encore des mouches qui tombent sur l'eau alors il faut essayer en eau claire de les leurrer à vue avec une nymphe plombée. Les poissons n'osent pas monter en surface alors il faut les chercher dans les profonds.

Cévennes