HISTOIRE D'O EN MER LIGURE
         

 

 

Il ne suffit pas de plonger son streamer dans la Grande Bleue pour prendre du poisson. Il faut en plus de la maîtrise des techniques de pêche à la mouche en mer, connaître son environnement pour pouvoir l'exploiter raisonnablement. Je vous propose ici de parler un peu du fonctionnement d'une zone de la mer Ligure pour mieux comprendre les mécanismes qui régulent les productions de poissons dans nos coins de pêche localisés entre les îles Lérins de la baie de Cannes et l'estuaire de la Roya à Vintimiglia (Italie). Toutes ces informations peuvent être extrapolées à d'autres zones en Méditerranée occidentale.

 

La mer Méditerranée nord occidentale est située à équidistance de Gibraltar et du détroit des Dardanelles (entrée de la mer Noire). La partie de la côte qui nous intéresse se localise au nord de la mer Ligure. Un front littoral assez étroit est coincé entre les très hautes montagnes ( plus de 3000 m d'altitude) du Mercantour et les très profondes fosses de Villefranche (profondeur autour de 1000 m ). Ce littoral “esquiché” entre montagnes et fosses est cependant très fréquenté par de nombreuses espèces de poissons car très productif en nourriture. Plages de sable et surtout de galets, estuaires limoneux, côtes rocheuses et escarpées, zones urbaines et polluées composent le paysage de notre coin de pêche. Chaque composant de cet ensemble joue un rôle important dans l'équilibre et le déséquilibre des écosystèmes.

Les conditions météorologiques sont essentiellement liées à l'anticyclone des Açores. Les dépressions Atlantiques qui se forment sur le Nord de l'Amérique atteignent la mer Ligure lorsque l'anticyclone est absent ou peu développé. Ce schéma simple se complique avec la présence de l'arc montagneux des Alpes. Les hautes montagnes arrêtent l'air humide qui s'évapore du Golfe de Gênes et catalysent des précipitations importantes et ponctuelles ou filtrent les dépressions arrivant du nord en laissant passer un Mistral par la vallée du Rhône. Les vents d'Ouest amènent en général le beau temps alors que les vents d'Est, du Nord et du Sud véhiculent les pluies, le froid ou la chaleur et les particules terrigènes Sahariennes. Il faut savoir qu'il ne pleut que 63 jours par an en moyenne sur la Principauté de Monaco.

Ces différentes conditions météo liées à la toponymie du relief et aux rôles spécifiques de chaque composant de la côte influencent directement au fil des saisons les comportements des poissons marins.

Le courant Ligure (1.4 millions de m 3 par seconde) lèche la côte d'Est en Ouest. Il est la résultante d'une pénétration des eaux Atlantiques dans le bassin Méditerranéen. L'évaporation dans la Grande Bleue est très supérieure aux apports d'eau douce. Pour combler ce déficit, les eaux Atlantiques pénètrent dans la Méditerranée et catalysent un courant vers l'Est qui longe la côte Africaine et bute contre la botte Italienne pour revenir d'Est en Ouest vers les côtes Ligures. C'est le chemin des thons qui migrent de l'Atlantique vers la Med. Cela crée dans la Grande Bleue un “mille-feuilles” de couches d'eau superposées qui ont des qualités physico-chimiques différentes où évoluent les poissons de nombreuses espèces.

Ce courant Ligure se ramifie en méandres selon la configuration géographique des lieux. Ces méandres se heurtent à des masses d'eau côtières statiques dont les particularités physico-chimiques sont différentes et spécifiques. Les eaux de cette zone côtières sont stratifiées en deux couches de températures et densité différentes dont les épaisseurs fluctuent avec les saisons. La circulation des masses d'eau marines qui véhiculent les poissons et leur nourriture résulte d'un savant et variable mélange des conditions météo du moment, de la configuration spatiale des côtes, de la stratification des températures en fonction des saisons et de la variabilité des flux d'eau engendrée par le courant Ligure. S'ajoutent à ces phénomènes, les tempêtes aériennes et subaquatiques comme les effets néphéloïdes (vagues sous-marines qui suspendent les sédiments), les upwelling côtiers qui sont des remontées d'eau froides locales quand les eaux chaudes de surface ont été éloignées par une tempête (refroidissement des eaux constaté par les baigneurs après un coup de vent) et les apports alluvionnaires par les crues des rivières et fleuves côtiers dont les régimes sont contrôlés par les montagnes du Mercantour.

On mélange bien ce cocktail et la vie peu apparaître. Cette soupe primaire catalyse l'imagination de la création marine en une multitude d'individus vivants et interdépendants.

Comme sur la terre, la base de la vie est végétale. L'herbe de la mer s'appelle le phytoplancton. Cette masse végétale est formée de milliards de milliards d'êtres unicellulaires appartenant à 6000 espèces différentes. La vie végétale se développe dans les cinquante premiers mètres d'eau. Elle synthétise grâce aux rayons lumineux du soleil, aux gaz, nutriments et engrais dissous dans l'eau, des sucres qui seront assimilés par les échelons supérieurs du zooplancton. Les sels minéraux et le carbone inorganique des sédiments, des alluvions, des upwelling sont transformés par la photosynthèse phytoplanctonienne en sucres directement assimilables. Des milliers de petites crevettes du zooplancton broutent les êtres unicellulaires du phytoplancton et sont à leur tour avalées par des multitudes de prédateurs dont les poissons fourrages croqués par de plus gros carnassiers.

Dans les mers, tout le monde mange tout le monde. Rien ne se perd. Les déchets, les carcasses, les fèces qui constituent les restes de carbone organique se transforment en neige marine qui tombe sans arrêt au fond des océans pour enrichir les sédiments et pour recommencer le cycle grâce aux activités bactériennes qui les minéralisent en carbone inorganique et en sels minéraux.

Dans la nature, en mer comme sur terre, tout est en équilibre fragile. Chaque maillon des chaînes alimentaires est interdépendant et joue un rôle déterminant.

La connaissance du milieu et l'observation de ses mouvements permettent aux moucheurs marins de découvrir un autre terrain d'activité. L'eau se lit en mer comme en rivière. Tout reste à apprendre et c'est cela qui rend la pêche à la mouche en mer excitante. J'espère que les moucheurs marins seront plus sages qu'en eau douce car la découverte une canne à la main de nouveaux écosystèmes doit se faire dans le plus grand respect de la nature.

         
   

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