Je suis tombé amoureux de la Gordo comme de l'Estéron ou des Gardons. Ce sont des lieux magiques où le silence est roi, les odeurs existent, les rivières sont claires et où la montagne rencontre le ciel et les nuages. La vallée de la Gordolasque est à une heure de voiture de Nice. Ici, le temps ne compte plus, il s'arrête pour laisser passer les poissons dans les eaux claires des ruisseaux et des lacs de cette magnifique vallée. Je n'avais jamais vu une eau aussi limpide et translucide qu'en ces lieux. Elle est le refuge des petites truites de montagne si vives et si pressées de courir après nos mouches.

 
 

Le plateau de la Gordo est très facile d'accès. Il se pêche facilement sur une petite dizaine de kilomètres. En son centre s'étalent les eaux du barrage artificiel du lac de Countet. Le volume d'eau du lac est contrôlé par les jeux de vannes d'une microcentrale électrique. Les hauteurs d'eau sont très variables et les poissons s'installent difficilement sur ce plan d'eau qui pourrait être un paradis pour les moucheurs débutants en montagne. Bien empoissonné, ce lac pourrait être comme le lac du Boréon un point de rencontre des moucheurs du département. Il reste bien des poissons au fond des eaux du Countet. L'an dernier Guillaume et moi-même avons capturé au streamer deux grosses truites de plus de deux kilo chacune. Ce n'était certainement pas des poissons sauvages mais des survivants de lâchés. L'AAPPMA de la Gordolasque utilise une fois par an ce plan d'eau pour organiser une fête de la pêche où les débutants pêcheurs et les jeunes peuvent venir se frotter, dans un site merveilleux, aux truites faciles déversées à l'occasion.
Toutefois, j'aime bien pêcher ce lac dans les brumes de septembre car quelques jolies truites ensauvagées viennent chasser des diptères et des hyménoptères véhiculés par le vent qui les concentrent dans un coin du lac. Ces proies sont plus faciles à attraper que les insectes dérivants dans les gourds amont. Les mercantours noires et les fourmis-sedges draguées sur plusieurs mètres dans les risées provoquent de nombreuses attaques.

 
Les anciens vous le diront, il y avait de beaux poissons dans la Gordolasque qui est une rivière productive en nourriture, spacieuse avec une eau courante en amont très propre et bien oxygénée. Mais depuis la fréquentation touristique, le développement de la société des loisirs, l'évolution des techniques de pêche, la voiture donc les déplacements faciles, et maintenant les 35 heures, les belles truites sont devenues de plus en plus méfiantes. Leur méfiance a évolué rapidement et plus vite que les techniques de pêche de nos anciens qui leurrent maintenant une majorité de petits poissons jeunes et inéduqués. Ainsi s'installe cette fausse perception d'une population de petites truites et de la nécessité d'une petite maille pour en capturer. Cela n'empêche, pas certains, il parait, de faire la maille à 16 cm ! ! Bien entendu, il y a des inconscients écologiques partout. Le catch and freeze n'assurera pas la stabilité de la population de truite.
 
 

Il n'est point besoin de changer de canne en lac de haute montagne ou sur le plateau de la Gordolasque. Seul le bas de ligne se raccourcit ou s'allonge pour s'adapter aux différents profils rencontrés sur cette zone. Par contre plus en aval, il est indispensable d'utiliser une canne plus courte pour explorer les eaux habillées de forêts denses.

La Gordolasque continue sa course jusqu'à la cascade du verrou glaciaire. Plus en aval, son lit se noie dans une forêt dense et le dénivelé du terrain s'accentue. La rivière se pare alors de très jolies cascades sous un couvert feuillues. Les truites sont bien postées dans chaque profond. Elles sont nombreuses et un peu plus grosses que sur le froid plateau amont. Ici, les mouches terrestres font merveilles. Les imitations de grillons, de scarabées, de doryphores, de sauterelles sont efficaces sur ces eaux tumultueuses.

J'utilise une 6.6 pieds portant une soie de 2-3 pour explorer ce profil. Je me régale à pêcher ces truites combatives dans des eaux limpides. La Gordo : c'est vraiment une multitude de profils, de postes, de coups le tout dans une alternance de paysages méditerranéens et glaciaires. Ici, je vous conseille de faire la maille à 25 cm et de ne garder que deux poissons par jour. Je fais du no-kill pour le respect des poissons qui vivent dans de rudes conditions et pour une rivière qui commence à se remettre des dégâts occasionnées par les crues de 1993 et de 1994.

AM