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Tout petit, je courais les berges du Gardon. Je me souviens bien des odeurs de la menthe sauvage qui bordait les eaux claires des rivières Cévenoles. C'était le bon temps, l'eau sentait bon, les truites chassaient encore les vairons et le soir on assistait du haut de la berge au spectacle des éphémères. Il y en avait des nuées, je dirais même plus des nuages, et quelquefois on en respirait ou on en mangeait tellement il en volait. Et puis, à la balade du soir juste après le souper, on les retrouvait morte sur la route au pied du lampadaire de Saumane. On les aimait nos éphémères et on les connaissait bien.

Le matin, on allait pêcher les vairons et la première chose que l'on faisait, c'était de courir après les “grattes” sous les pierres, car c'était bien meilleur que les gros vers du fumier. Les “grattes”comme on les appelle en Cévennes, ce sont ces larves plates d'éphémère qui sucent la pierre pour se nourrir et qui s'y accrochent pour se protéger des prédateurs. On les cherchait à pied dans l'eau froide. Moi, je les prenais pas trop profond près des tous petits courants pour ne pas les perdre lorsque je soulevais la pierre. Quelquefois sous le même caillou on pouvait en trouver jusqu'à quinze, et quinze, c'était quinze vairons garantis! Pendant la partie de pêche, on assistait, dans nos boites rouillées, à la transformation des larves-nymphes en subimago, et pour nous les petits pêcheurs, c'était magique !!!!

 
© J.L Teyssié photographe , créateur

 

Les éphémères m'ont ainsi toujours étonné car leur vie est faite de contraste. Ces insectes aquatiques supportent des mètres cubes d'eau pendant une à plusieurs années pour convoler uniquement quelques minutes dans un espace aérien libéré de toute gravité. Les larves ressemblent à des lourdes machines qui rampent, nagent, s'enfouissent pour se protéger de tous les dangers, et pour accumuler un maximum d'énergie afin que les adultes rapides et habiles comme des avions de haute voltige découvrent les joies d'un amour éphémère. La nature a bien fait les choses, et nous ne pouvons encore une fois, qu'être admiratif devant la plasticité de l'évolution et de ses créations. Comment la sélection naturelle a t'elle favorisé cette voie de conservation et du développement de ces espèces qui survivent jusqu'à nos jours ?

Survivre est bien le mot, car les éphémères ont des problèmes à notre époque. En effet en plus des pressions naturelles, ces insectes doivent lutter contre des phénomènes agressifs catalysés par les actions anthropologiques sur l'environnement. Les pesticides, les molécules organochlorées, les déchets ménagers, les métaux lourds, les débits inconstants des rivières malmènent nos éphémères qui ne peuvent plus croître, émerger et se reproduire tranquillement. Il en résulte un déséquilibre des chaînes alimentaires. Nos rivières sont de moins en moins productives et ne peuvent nourrir qu'une population de poissons de plus en plus dérisoire.

Nous détruisons si rapidement ce que la nature a mis au point en quelques millions d'années. Aujourd'hui, je les trouve bien tristes nos rivières sans leurs habits d'éclosions. Dans mes Gardons Cévenols, les éclosions sont de plus en plus rares et puis à quoi cela sert de courir après les “grattes”? Il n'y a plus de vairon !!! Et si je veux retrouver les ambiances d'il y a 25 ans, il faut que j'aille aux sources là où la pollution n'est pas encore reine !!!

 
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